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Sapin 2 : Quand la conformité devient une exigence légale

La loi Sapin II relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, entrera en vigueur début juin. Equivalente au Deffered Prosecution Agreement (DPA) du département de justice américain (DOJ), la loi Sapin II oblige légalement les entreprises à mettre en œuvre un programme de conformité.

Quand la mise en place d'un programme de conformité devient une obligation pour les entreprises françaises

La loi Sapin II vise à ce que toute entreprise ayant un effectif de plus de 500 salariés et un CA égal ou supérieur à 100 millions d'euros, mette en œuvre un programme de conformité et de lutte anti-corruption. Plus précisément, les entreprises concernées devront mettre en place un processus de due diligence sur leurs clients, fournisseurs et l'ensemble de leurs parties prenantes ; une stratégie d'identification et d'évaluation des risques de corruption ; un code de conduite faisant partie du règlement intérieur de l'entreprise ; ainsi qu'un procédé d'évaluation et de mesure de l'efficacité du programme. Et les risques encourus en cas de manquement à ces obligations ne sont pas des moindres, puisqu'une entreprise qui ne parviendrait pas à mettre en place un programme de conformité adapté risquera une amende pouvant grimper jusqu'à un million d'euros, ainsi que voire ses dirigeants condamnés à verser une amende de 200 000 euros maximum.

Nicolas Tollet, avocat spécialisé dans la lutte contre la corruption ayant participé à la rédaction de la loi, affirme que l'obligation « institutionnalise les programmes de conformité ainsi que la profession elle-même du compliance officer ». Les entreprises concernées ont jusqu'au mois de juin pour s'équiper d'outils et de moyens pour réaliser des due diligences raisonnables sur tous leurs clients et fournisseurs directs. Il est donc important que ces entreprises mettent en place un processus de due diligence qui leur permette d'identifier des milliers d'entités et d'évaluer les risques associés, et ce, dans un large éventail de sources comme des décisions de justice, les listes de sanctions ou encore dans les articles négatifs. Il est également indispensable que les résultats de cette veille soient mis à jour régulièrement et automatiquement.

Pilier de la loi Sapin II, l'AFA – l'Agence Française Anti-Corruption – inaugurée fin mars, est chargée de la détection et de la prévention des atteintes à la probité. Remplaçant le service central de prévention de la corruption (SCPC), l'AFA est chargée « d'élaborer des recommandations relatives à la prévention et à l'aide de la détection de la corruption à destination des acteurs publics et économiques, ainsi qu'un plan national de prévention de la corruption, et fournira un appui aux administrations de l'Etat et aux collectivités territoriales en matière de la prévention et d'aide à la détection de la corruption ». En savoir plus sur l'AFA.

Sapin 2, soit le DPA français

A l'international, la loi Sapin II est considérée comme un équivalent français au Deferred Prosecution Agreement (DPA) qui est fréquemment utilisé dans la lutte contre la corruption et le blanchiment d'argent aux Etats-Unis. En effet, avant que des poursuites judiciaires ne soient entamées, les autorités réglementaires françaises pourront conclure un accord avec la société concernée. Si l'accord est approuvé en audience publique par un tribunal, l'entreprise évitera une condamnation et n'aura donc par conséquent pas de casier judiciaire, ce qui signifie qu'elle évitera l'exclusion automatique des marchés publics.

L'accord pourra imposer une importante amende financière à l'entreprise et l'obliger à mettre en place un programme de conformité. On s'attend à ce que ces accords servent principalement aux autorités à condamner les actes de corruption, blanchiment d'argent et de fraude fiscale.

En suivant les traces des Etats-Unis et du Royaume-Uni, la loi Sapin II fait de la France le dernier pays à présenter ce type d'accord. Dans un discours récent, le Chef du département de la lutte contre la corruption, le blanchiment et la fraude fiscale a déclaré que la DPA est devenue « la nouvelle norme » pour les entreprises qui auto-dénoncent leurs actes de corruption et de blanchiment d'argent, et coopèrent avec les autorités. Dernier exemple en date, Rolls-Royce ayant accepté en janvier dernier de payer 497 millions de livres sterling dans un accord avec les autorités britanniques.

La France veut améliorer sa politique de lutte contre la corruption

La loi Sapin II vise à répondre aux critiques internationales selon lesquelles la France n'a pas réussi à faire respecter ses lois anti-corruption : dernièrement, les amendes les plus importantes ont été imposées aux entreprises françaises par l'application de la FCPA – Foreign Corrupt Practices Act - aux Etats-Unis.

Bien qu'en 2014, le groupe de travail sur la lutte contre la corruption de l'OCDE a déclaré que sur les 24 nouveaux cas de corruption ouverts depuis 2012, aucune société française n'a été reconnue coupable à l'international d'une infraction de corruption, Alstom a accepté de payer la même année 772 millions de dollars au département de justice américain pour infraction de la FCPA.

L'efficacité de la loi Sapin II ne sera jugée qu'en pratique au cours des prochaines années, mais il ne fait aucun doute qu'elle représente d'ores et déjà la volonté et l'engagement de la législation française à améliorer la gouvernance de la transparence des entreprises.


ALLER PLUS LOIN

  • S'informer sur les dernières lois nationales et internationales pour la lutte contre la corruption et le blanchiment d'argent. En savoir plus.
  • Consulter le livrable du webinar « Les vrais enjeux de la loi Sapin II pour les entreprises » du 29 septembre 2016. Télécharger le PDF.

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