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L’abstention, un élément clé des élections européennes ?

1. Une érosion inéluctable de la participation ?

    En 1979, lors des premières élections européennes au suffrage universel direct, le taux de participation de l’électorat français fut de 60,7%. Trente ans plus tard, en 2009, il avait chuté de 20 points… Le taux d’abstention record était alors entre autres imputé à la médiocrité des campagnes électorales qui faisaient de l’élection européenne une élection « de second ordre ».

    Lors des dernières élections de 2019, la participation de l’électorat français aux élections européennes a cependant progressé de presque huit points par rapport au scrutin européen précédent, pour atteindre 50,5%. Un sondage Eurobaromètre post-électoral a montré que les européens de moins de 25 ans ainsi que les 25-39 ans avaient été plus nombreux à voter qu'auparavant (respectivement +14 et +12 points). Le Brexit, que les Britanniques peinaient à l’époque à mettre en œuvre, aurait joué un rôle pour 22% des sondés mais ce furent surtout les enjeux environnementaux mis en avant lors de manifestations et de prises de paroles par Greta Thunberg qui mobilisèrent les jeunes.

    2. Les enjeux

    Les enjeux environnementaux mèneront-ils encore les jeunes aux urnes ? Plus généralement, la prise de conscience des défis européens se confirmera-t-elle en 2024 en France et en Europe ? Les électeurs mesurent-ils mieux les enjeux de l’élection et l’impact de l’action de l’UE après avoir vécu la pandémie du COVID-19 et avoir été témoins de la guerre en Ukraine ? L’abstention bénéficiera-t-elle aux partis d’extrême droite au point de permettre à une coalition composée de démocrates-chrétiens, de conservateurs et de l'extrême droite radicale de réunir une majorité et de diriger la politique de l'UE pour la première fois ?

    3. Comment l’abstention apparaît-elle dans la couverture médiatique à l’approche de l’élection dans les plus grands pays d’Europe, à savoir en France et en Allemagne ?

    A la lumière de ces enjeux, nous avons examiné comment l’abstention se trouve évoquée dans la couverture médiatique à l’approche de l’élection en France et en Allemagne.


    Environ 50% des articles en France et 60% des articles en Allemagne mentionnent la jeunesse. La plupart de ces articles détaillent les initiatives mises en place pour inciter les jeunes à voter ou s’efforcent de décrypter les attentes de la jeunesse, avec quelques nuances notables entre les deux pays :

    Inciter les jeunes à voter ...

    En Allemagne, le 29 avril, la presse locale et régionale a relayé massivement la mise en ligne par le parlement européen d’un court métrage incitant les citoyens à voter aux élections de juin. Les articles soulignent que le film cible plutôt les jeunes en rappelant ce que signifie la démocratie et le droit de vote. Ils mettent en avant des survivants à divers conflits européens du 20ème siècle qui livrent des témoignages souvent poignants et appellent les jeunes à « prendre bien soin de la démocratie » et à aller voter.

    En France, la mise en ligne de ce court métrage a été très peu relayée par la presse en ligne. En revanche tout au long du mois de mars et d’avril, divers articles de la presse régionale ont rapporté les initiatives visant à limiter l’abstention : pédagogie dans les lycées, appels à l’inscription sur les listes électorales, rappels que le dernier délai pour s’inscrire sur les listes électorales est le 1er mai, mises en garde contre la « mal-inscription » sur les listes électorales, qui est une cause majeure d’abstention.

    A noter également les efforts du Rassemblement National pour mobiliser l’électorat jeune. Le pic du 29 avril est pour moitié constitué d’articles couvrant le meeting du 1er mai organisé par le RN à Perpignan. Un meeting où J. Bardella s’est adressé aux jeunes en pointant les « ennemis redoutables » que sont l’abstention et la dispersion.

    Décrypter les attentes de l’électorat jeune

    En Allemagne, plusieurs sources spécialisées TV/divertissement ont relayé fin avril le podcast dédié à la politique de la journaliste et animatrice de TV Anne Will, intitulé « Qu’apporte l’élection européenne ? ».  Elle s’est dit préoccupée par la montée de l’extrême droite en Allemagne, citant les résultats de l’édition 2024 de  

    En France aussi, l'attrait des jeunes pour l’extrême droite  ressort de divers sondages cités par la presse en ligne, notamment un sondage d’OpinionWay pour Europe 1 montrant que les jeunes qui ont l’intention de voter en 2024 privilégieraient le Rassemblement National, avec 32 % d’intentions de vote pour Jordan Bardella chez les 18-24 ans. Cette donnée s’inscrit cependant dans un panorama plus large dressé notamment par

    Si la couverture médiatique laisse présager que le vote/l’abstention des jeunes sera une caractéristique importante de la prochaine élection européenne, quelques articles livrent aussi des informations sur les enjeux de l’abstention en général.

    Ainsi, en Allemagne, fin janvier, la presse régionale et locale a relayé les résultats d’un sondage de l’institut d’opinion Insa, selon lequel le parti nouvellement créé « Alliance Sahra Wagenknecht — Pour la raison et la justice» (BSW) disposerait d’un fort potentiel électoral et mobiliserait les abstentionnistes. L'alliance Sahra Wagenknecht aurait ainsi de bonnes chances d'entrer au Parlement Européen si elle se présente dans les trois Länder de l'Allemagne de l'Est, où l’abstention aux Européennes est historiquement élevée.

    NB : Sahra Wagenknecht est originaire d’ex-RDA et députée du Bundestag. En janvier dernier elle a quitté le parti d’extrême gauche « Die Linke », suivie par 9 autres députés, et a fondé l'Alliance Sahra Wagenknecht. Ce nouveau parti se définit notamment comme un mouvement de gauche anti-immigration et pro-russe, visant à réduire le nombre des électeurs du parti d’extrême droite l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) lors des élections dans trois régions de l'est de l'Allemagne en septembre 2024. S. Wagenknecht ambitionne également de créer un nouveau groupe au parlement européen et a indiqué avoir été en contact à cette fin avec La France Insoumise.

    Mi-mars, la presse allemande s’est également fait l’écho d’une enquête menée par l'institut d'opinion Civey pour le compte de la Fondation Heinrich Böll et du Progressive Center Berlin. Celle-ci montre que parmi les partisans de la CDU/CSU interrogés, 22% ont déclaré qu'ils étaient peu intéressés par les élections européennes. Ce désintérêt pourrait affaiblir l’union CDU/CSU qui détient une grande partie des 96 sièges occupés par l’Allemagne au Parlement Européen.

    En France, à un mois de l’élection, divers articles continuent de prédire un taux de participation d’environ 45% au global en rappelant qu’un Français sur cinq n’a toujours pas entendu parler des élections européennes et que plus d’un tiers ne sait pas à quoi elles servent (sondage Odoxa - Backbone Consulting pour Le Figaro paru le 8 mai).

    Quoiqu’il en soit, en France comme en Allemagne, le vote éventuel des abstentionnistes pourrait bien jouer sur le résultat du scrutin, qu’il s’agisse des jeunes, de certaines régions comme l’ex-RDA ou de citoyens marquant leur rejet du système politique actuel.

    Pour aller plus loin :

    Ce billet de blog a été rédigé par notre équipe d’analystes spécialisée dans les études médias, à partir de données issues de notre plateforme de veille média Nexis Newsdesk. N’hésitez pas à consulter notre site web pour en savoir plus.

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