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René Chapus, figure majeure du droit administratif

René Chapus est décédé le 28 juillet dernier, à l’âge de 92 ans. De sa thèse, consacrée à la comparaison des responsabilités publique et privée et parue en 1954, à la 13 e et ultime édition de son ouvrage majeur, le droit du contentieux administratif, en 2008, ses travaux révèlent l’acuité de son intelligence du droit et du contentieux administratifs français, assise sur une connaissance incomparable de ceux-ci.

Aujourd’*** encore, en dépit des évolutions considérables depuis leur dernière édition, ses manuels restent une source précieuse d’informations et de réflexions. Il a écrit sur l’acte de gouvernement (1958), les principes généraux du droit (1966), la place respective des notions de service public et de puissance publique dans la construction du droit et du contentieux administratifs (1968), la notion de juridiction (1975) ou les évolutions contemporaines de l’office du juge administratif (1992) des articles déterminants, toujours actuels, toujours cités et toujours propices à la controverse. Son autorité scientifique lui valut d’être (presque) aussi souvent cité que le président Odent dans les conclusions de ceux que l’on appelait encore les commissaires du gouvernement devant le Conseil d’État.

Elle fut également consacrée par sa participation aux groupes de travail ayant élaboré le Code de justice administrative et la réforme des référés. Il joua un rôle déterminant dans l’insertion, au sein du premier, d’un titre préliminaire dont l’élégance et la sobriété, dignes du premier Code civil, lui doivent, paraît-il, beaucoup. Le droit public français vient assurément de perdre l’un de ses plus éminents auteurs de la seconde moitié du 20 e siècle. Ceux qui, comme le signataire de ces lignes, eurent le privilège de l’avoir comme guide sur les chemins tortueux du droit administratif, savent aussi quel professeur admirable il fut. Il était sans pareil pour faire paraître moins raide la pente et moins laborieuse la progression. Économe de ses mots comme de sa voix, prenant parfois de longs instants de réflexion avant de formuler son propos, il choisissait le bon exemple jurisprudentiel pour rendre intelligible tel problème juridique et sa solution.

C’est aussi par une citation littéraire (comme les vers de Paul-Jean Toulet sur l’allée des Alyscamps au coeur de l’arrêt Dauphin) et surtout par son humour malicieux qu’il soutenait l’attention de son auditoire. Sa description de l’affaire du « lancer de nain » dans son manuel de droit administratif donne une idée du sel dont il pouvait relever ses cours. En dépit de l’aura dont il était entouré, il ne se départit jamais de sa discrétion et de sa modestie. Étonnamment accessible, il n’imposait jamais sa pensée à ses interlocuteurs, s’efforçant plutôt de rectifier leurs maladroites démonstrations avec douceur et bienveillance. Nombreux sont ceux pour lesquels les travaux ou les enseignements de René Chapus ont constitué un fanal dans le brouillard du droit contemporain. Peut être se remémorent-ils aujourd’*** d’autres vers de Paul-Jean Toulet :

Et puis la mort, et le silence
Montant comme un mur noir.
… Parfois au loin se laissait voir
Un feu qui se balance.

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