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Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations Sources d’obligations

LexisNexis vous propose ci-dessous un extrait de l’ouvrage « Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations »

➜ Art. 1100-1

Les actes juridiques sont des manifestations de volonté destinées à produire des effets de droit. Ils peuvent être conventionnels ou unilatéraux.
Ils obéissent, en tant que de raison, pour leur validité et leurs effets, aux règles qui gouvernent les contrats.  

La reconnaissance légale des actes juridiques : Définition et éléments caractéristiques


Dans le prolongement de la classification des obligations et de la consécration de l’acte juridique qui l’accompagne (V. supra, art. 1100, al. 1er), l’article 1100-1 indique à grands traits ce que sont « les actes juridiques » (al. 1er) et le régime (al. 2) qui leur est applicable.

Ce texte, d’apparence anodine, ne manquera pas d’être présenté comme la reconnaissance, en droit commun, de l’engagement unilatéral de volonté. C’est son principal intérêt pratique.

Définition et typologie des actes juridiques (al. 1er). Fréquemment employé par le législateur, le terme d’« acte » ou d’« acte juridique » n’avait pas fait l’objet jusqu’à présent d’une définition légale. Celle adoptée par l’article 1100-1, alinéa 1er est fidèle à la conception couramment admise par la doctrine (privatiste)20. Elle permet en particulier de dissiper toute confusion avec l’acte au sens d’acte instrumentaire (instrumentum) dressé pour constater une situation, acception que l’on retrouve dans de nombreuses dispositions sur la preuve21. Fruit d’un effort d’abstraction soutenu, la notion d’acte juridique telle qu’elle ressort de l’article 1100-1 est tout autre. En effet, selon ce texte, « les actes juridiques sont des manifestations de volonté destinées à produire des effets de droit ». Trois éléments se dégagent de cette définition.

La production d’« effets de droit » est le moins caractéristique des trois puisque le fait juridique entraîne une conséquence identique (V. art. 1100-2, al. 1er).
L’expression retenue est large. Elle englobe tout type d’effet : créatif, déclaratif, translatif, modificatif ou extinctif. Et bien que l’article 1100-1 figure dans un titre consacré aux « sources d’obligation », il ne fait aucun doute que les « effets de droit » dépassent les seules opérations relatives aux obligations.

Le deuxième élément, plus caractéristique, est la manifestation de volonté.
Il ne s’agit pas d’un état purement psychique, mais d’une volonté appréhendée par le droit objectif, lequel impose une exigence minimale de discernement et de constance du sujet. Par ailleurs, comme l’indique la définition, c’est une volonté qui doit être extériorisée. Il faut qu’elle se manifeste, qu’elle s’exprime à travers un consentement, de manière expresse ou tacite.

Enfin, troisième élément, une corrélation est établie entre les manifestations de volonté et les effets de droit : les premières sont « destinées » à produire les seconds. C’est un point essentiel à deux égards. Politiquement, l’acte juridique ainsi compris présente l’« avantage de faire sentir à chacun non seulement qu’il vit constamment dans le droit, mais que, dans une certaine mesure, il fait le droit ».
Techniquement, c’est cet élément qui permet de faire le départ entre l’acte juridique et le fait juridique, ce dernier pouvant être volontaire ; dans l’acte juridique, l’effet de droit est perçu et recherché par son auteur. Cela dit, la condition est comprise avec souplesse ; il n’est pas nécessaire, pour que la qualification s’applique, que tous les effets de droit aient été consciemment recherchés par les volontés exprimées. De surcroît, si la volonté tendue vers la production d’un effet de droit est l’élément essentiel de l’acte juridique, cet effet n’existe en définitive que parce que le droit objectif le reconnaît, ce qui, notons- le, nuance l’opposition avec le fait juridique.

Classification des actes juridiques


Il existe un très grand nombre de classifications des actes juridiques. Certaines sont fonction de la nature de l’acte (par ex., acte patrimonial ou extrapatrimonial, acte substantiel ou processuel, acte civil ou commercial). D’autres dépendent de leur gravité (acte conservatoire, d’administration ou de disposition). D’autres encore dépendent de leur structure. C’est à cette dernière catégorie que se rattache l’unique distinction consacrée par l’alinéa 1er de l’article 1100-1. Ce texte dispose que les actes juridiques « peuvent être conventionnels ou unilatéraux ». La rédaction est approximative ; il eût été plus rigoureux d’opposer les actes plurilatéraux aux actes unilatéraux. De surcroît, la formulation employée laisse dans l’ombre le sort des actes collectifs, par exemple une résolution votée par une assemblée. Privilégiant le critère tiré de l’identité d’intérêt à celui de la collégialité, on y voit en général un acte unilatéral. Mais la qualification de cette catégorie hétéroclite est discutée et le texte n’apporte aucun élément nouveau.

À l’évidence, les actes « conventionnels », premier des deux termes de la distinction légale, désignent les contrats qu’ils soient bilatéraux ou multilatéraux, voire les autres conventions. Il n’est nul besoin d’insister.

Quant à la référence aux « actes unilatéraux », son importance tient non pas à la catégorie en elle- même, dont nul ne conteste l’existence et le bien- fondé, mais à son emplacement. L’enjeu est l’admission généralisée de l’engagement unilatéral de volonté. C’est là, en définitive, l’unique intérêt de la distinction introduite par l’alinéa 1er. Pour le comprendre, il faut rappeler que dans un contexte où l’efficacité en droit commun de l’engagement unilatéral de volonté demeure controversée, et ce malgré plusieurs applications jurisprudentielles (il est vrai plus ou moins nettes), le silence conservé par le projet d’ordonnance rendu public en 2015 avait eu pour conséquence de raviver le débat. Nombreux sont les commentateurs qui avaient vu dans ce silence une lacune. Bien que le texte n’indique pas expressément que l’acte unilatéral est apte à engager son auteur, la genèse de l’article 1100-1 ainsi que son emplacement en tête d’un titre consacré aux « sources d’obligations » conduisent à penser que l’engagement unilatéral de volonté est désormais reconnu par le Code civil. D’ailleurs, le rapport accompagnant l’ordonnance n’en fait pas mystère.

Des questions encore en suspens...


Toutefois, l’avancée est moins spectaculaire qu’il n’y paraît. En pratique, cette consécration de principe est peu de chose tant que les conditions de la reconnaissance d’un engagement unilatéral de volonté ne sont pas précisément définies.
Celles- ci peuvent être plus ou moins strictes, non seulement afin d’éviter que toute déclaration publique ne lie son auteur au risque de porter atteinte à la liberté fondamentale de se lier par une obligation, mais encore pour que les tiers sachent dans quelles circonstances ils peuvent accorder leur confiance. On peut alors se demander, par exemple, s’il faut exiger le caractère sérieux de l’engagement et, dans l’affirmative, grâce à quel procédé technique ; s’il faut faire de l’engagement unilatéral un acte réceptice, c’est- à- dire faire dépendre son efficacité de sa réception par son ou ses destinataires ; ou encore s’il faut- il subordonner l’emploi de cette technique à une condition de subsidiarité. Sur cet aspect du régime, décisif en ce qu’il détermine la place effective de l’engagement unilatéral, le texte reste totalement muet.
De même qu’il n’indique pas les sanctions applicables en cas d’inexécution.

Régime des actes juridiques : renvoi aux règles du contrat (al. 2). Le droit commun de l’acte juridique n’est autre que le droit commun du contrat. Tel est, en résumé, le sens du renvoi opéré par l’alinéa 2 selon lequel les actes juridiques « obéissent, en tant que de raison, pour leur validité et leurs effets, aux règles qui gouvernent les contrats ».

En l’état du droit français, ce renvoi était inévitable. Comme l’a justement observé Carbonnier, « les actes juridiques non contractuels sont tellement différents entre eux que leurs règles propres ne se prêtent pas à la généralisation ». Si le législateur avait mis en place un régime de l’acte juridique, il n’aurait fait que reproduire le régime du contrat en l’assortissant « d’autant d’exceptions qu’il y a de règles spéciales à chacun des autres actes juridiques ». C’est donc une heureuse économie de mots que permet la transposition prévue par le texte, mais qui, il faut le souligner, était d’ores et déjà pratiquée.

Le renvoi est général, en ce sens qu’il vise tant la « validité » que les « effets » des actes juridiques. Plutôt que d’interpréter la formule comme une simple allusion aux Section II du Chapitre I (« La validité du contrat ») et Chapitre IV (« Les effets du contrat ») du Sous- titre premier, on doit semble- t-il considérer que ce sont toutes les règles régissant les contrats qui ont vocation à s’appliquer aux autres actes juridiques (ce qui inclut notamment la formation ou l’interprétation des contrats).

Général, ce renvoi n’implique toutefois pas que les textes régissant les contrats s’appliquent toujours ou en tous points aux autres actes juridiques. Ils ne s’appliquent qu’« en tant que de raison ». La réserve, indispensable compte tenu de l’hétérogénéité des actes juridiques, est source d’imprécision. À la différence d’autres projets, l’ordonnance ne comporte pas de disposition illustrant les adaptations rendues nécessaires par la spécificité de l’acte juridique non contractuel.

Retrouvez le commentaire approfondi, article par article, de la réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

L’ordonnance du 10 février 2016 introduit dans le Code civil 332 nouveaux articles. Elle refond entièrement la partie relative au contrat et crée deux titres, consacrés respectivement au régime général et à la preuve des obligations.

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