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Loi Climat et résilience : point d'étape sur son incidence en droit pénal de l'environnement

La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 dite « loi Climat et Résilience », ayant pour origine la Convention citoyenne pour le climat, vise notamment à accélérer la transition écologique et énergétique de la société et de l’économie françaises. Sur le pan du droit pénal de l’envronnement, un crime d’écocide, qui renvoie aux agissements les plus graves commis contre l’environnement, avait été proposé par la Convention citoyenne pour le climat afin de « sauvegarder les écosystèmes ». La loi s’est finalement prononcée en faveur d’un délit reposant sur un champ d’application plus précis que celui prévu par la Convention.

1- Quels nouveaux délits la loi Climat et Résilience a-t-elle créés ?

La loi Climat et Résilience a créé plusieurs délits non-intentionnels de pollution des milieux et d’abandon de déchets et de mise en danger de l’environnement (C. envir., art. L. 231-1, L. 231-2, L. 173-3-1).
En outre, a été créé un délit d’écocide qui est en fait la version intentionnelle des délits non-intentionnels susmentionnés de pollution des milieux et d’abandon de déchets (C.envir., art. L. 231-3). Constituent ainsi un écocide :

- le délit général de pollution des milieux lorsque les faits sont commis de manière intentionnelle

- le délit d’abandon de déchets lorsque les infractions sont commises de façon intentionnelle et qu’elles entraînent des atteintesgraves et durables à la santé, à la flore, à la faune ou à la qualité de l’air, du sol ou de l’eau.
Le texte précise que sont considérés comme durables les effets nuisibles sur la santé ou les dommages à la flore, à la faune ou à la qualité des sols ou des eaux superficielles ou souterraines qui sont susceptibles de durer au moins 7 ans.

2- Pourquoi certains doutent-ils de l’efficacité du nouveau délit d’écocide?

Souhaitée à l’origine comme un outil destiné à renforcer l’efficacité de la justice environnementale, cette loi n’est, pour certains, pas à la hauteur des enjeux et vient alimenter la complexité du droit pénal de l’environnement et son ineffectivité (nombreux renvois, éléments matériels des infractions difficiles à définir…), alors que l’on sait que moins de 1 % des délits sont actuellement reconnus en droit pénal de l’environnement.
Tout d’abord, en passant du rang de crime, proposé par la société civile, à celui de délit, consacré par la loi, la valeur reconnue à l’environnement semble diminuée.

Ensuite, en insérant l’écocide dans le Code de l’environnement plutôt que dans le Code pénal, l’écocide devient une infraction spéciale secondaire, plutôt qu’une infraction de droit commun de premier plan. En outre, le délit d’écocide n’apparaît pas comme un délit autonome mais davantage comme une forme aggravée des délits de pollution des milieux et d’abandon de déchets susmentionnés.

L’écocide est défini par renvoi à ces délits, qui sont eux-mêmes définis par renvoi à d’autres dispositions. Il faut ainsi consulter plusieurs textes (qui peuvent évoluer au fil du temps) pour comprendre le contenu du délit et la rédaction même de ces différents textes ne permet pas toujours de satisfaire à l’exigence de clarté et de précision attendue de la norme pénale. En ce sens, l’élément matériel du délit d’écocide est défini à la fois par des faits (des rejets ou émissions, ou abandon, dépôt de déchets en méconnaissance des prescriptions applicables) et par un résultat (une atteinte grave et durable à l’environnement).

Sur ce dernier point, la loi définit comme « durables » les effets nuisibles « susceptibles de durer au moins sept ans ».

Or, les connaissances scientifiques sur le fonctionnement de la faune et de la flore, les compositions, effets et comportements des différents produits dans les divers milieux rendent la preuve de la durabilité particulièrement complexe.
Il est ainsi fort probable que les autorités de poursuite et parties civiles devront presque systématiquement s’adjoindre un expert technique pour prouver la durabilité d’une atteinte. Le contentieux des recours contre le rapport d’expertise risque de se développer rapidement, alors que le sujet ne portera encore que sur la simple recevabilité de l’action en écocide… Le critère de la durabilité risque de mener à un enterrement de fait de toute action judiciaire.

3- Cette loi est-elle un rendez-vous manqué pour la France?

Bien que le droit français fasse œuvre de pionnier en sanctionnant l’écocide en temps de paix, le but souhaité par les défenseurs de l’environnement n’est pas atteint. En faisant notamment de l’écocide un simple délit, il est permis de se demander si la France n’a pas manqué l’occasion de montrer la voie en Europe et à l’international, en ce qu’il s’agit d’un crime global contre lequel tous les États ont intérêt à lutter.

Toutefois, la France n’a pas totalement abandonné cette réflexion en adoptant l’article 296 de la loi Climat et Résilience qui précise que « dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur son action en faveur de la reconnaissance de l’écocide comme un crime pouvant être jugé par des juridictions pénales internationales ».

En outre et nonobstant les critiques formulées, les nouveaux délits créés par la loi Climat et Résilience ont le mérite d’exister. Les applications qui seront faites par la jurisprudence permettront peut-être de palier la complexité de ces infractions et de ranimer leur effectivité. Nul ne peut en effet oublier que le tribunal administratif de Paris a, par jugement du 3 février 2021, considéré que l’État devait réparer le préjudice écologique causé par le non-respect des objectifs fixés par la France en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et, par jugement du 14 octobre 2021, a enjoint à l’État de réparer les conséquences de sa carence.
À cette fin, le tribunal a ordonné que le dépassement du plafond des émissions de gaz à effet de serre fixé par premier budget carbone (2015-2018) soit compensé au 31 décembre 2022, au plus tard.

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