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Souveraineté numérique: reprenons notre destin en main !

Bernard de Courrèges d’Ustou,
général de corps d’armée (2s), inspecteur général des finances et membre
de l’Agora 41
Matthieu Bourgeois,
associé au sein du cabinet Klein *
Wenner, vice-président du Cercle de
la Donnée et membre de l’Agora 41


« Souveraineté numérique : essai pour une reconquête », tel est le titre d’une étude récemment publiée par deux think tanks, l’Agora 41 et la Cercle de la Donnée. Objectif affiché de sa vingtaine d’auteurs : provoquer une prise de conscience pour que chacun (politique, dirigeant d’entreprise, citoyen) se saisisse de ce thème crucial afin de reprendre collectivement en main notre destin.

Bernard de Courrèges d’Ustou, général de corps d’armée (2s), inspecteur général des finances et membre de l’Agora 41, et Matthieu Bourgeois, associé au sein du cabinet Klein * Wenner et vice-président du Cercle de la Donnée reviennent sur cette publication.

1. Quels constats avez-vous dressés en matière de souveraineté numérique ?

Bernard de Courrèges d’Ustou : Le constat en Europe est sans appel : les États, les entreprises et les particuliers travaillent très souvent avec des outils et des applications non européens, notamment américains, et sur des équipements et réseaux chinois. Ainsi, de nombreuses données, des entreprises comme des citoyens, sont hébergées et traitées sur des sites hors d’Europe.

Face à cette situation, on constate une méconnaissance générale de ce qu’implique l’absence de maîtrise de nos données. Matthieu Bourgeois : En ce qui concerne les entreprises plus particulièrement, on distingue deux cas de figure. D’une part, les entreprises utilisatrices de numérique sont confrontées à une offre numérique européenne terriblement faible, et ne peuvent donc pas toujours acheter européen, même si elles le souhaitent.

D’autre part, les fournisseurs de services numériques européens ont du mal à exister car la concurrence des mastodontes non-européens est écrasante. Cette faiblesse de l’offre européenne, qui pénalise autant les utilisateurs que les fournisseurs, est le résultat notamment d’un droit de la concurrence inadapté.

2. Parmi les propositions que vous formulez, pouvez-vous détailler celles qui concernent les entreprises ?

Matthieu Bourgeois : Nous avons formulé 7 propositions pour une reconquête de la souveraineté numérique, réparties en 3 volets : économique, éducation-recherche et enfin juridique et politique. Sur le plan économique, nous considérons que l’accumulation de données crée des préoccupations de concurrence, de la même façon que l’accumulation de capital.

C’est pourquoi nous proposons notamment de réformer le droit de la concurrence pour appréhender les projets de concentration d’entreprises du numérique. En effet, en raison de la gratuité des services qu’elles proposent aux internautes, ces entreprises n’ont pas toujours un chiffre d’affaires élevé. Pour autant, par l’accumulation des données collectées, elles peuvent créer des préoccupations de concurrence si elles se rapprochent d’un autre opérateur. Par ailleurs, une autre de nos propositions vise, à l’image des avocats ou commissaires aux comptes, à créer une nouvelle profession réglementée : un commissaire au numérique, qui contrôlera la conformité des systèmes d’information et des traitements de données.

Bernard de Courrèges d’Ustou : En ce qui concerne la recherche et l’éducation, nous proposons d’investir dans la recherche numérique fondamentale et de mettre en place des mesures de sensibilisation de tous nos concitoyens et notamment des chefs d’entreprise. L’objectif est de favoriser une réelle prise de conscience des conséquences de leurs choix en matière d’hébergement et de traitement de leurs données lorsqu’ils sélectionnent un opérateur ou un équipement.

Enfin, sur le terrain juridique, nous souhaitons imposer une souveraineté juridique et européenne pour les données les plus sensibles, en exigeant le traitement de ces données par des sociétés non exposées à des lois extra-européennes. Il s’agit en somme d’offrir aux chefs d’entreprise la possibilité d’avoir la maîtrise de leurs données.

3. Après la sortie de cette étude, quelles sont les prochaines étapes pour continuer à faire résonner cette thématique?

Matthieu Bourgeois : Effectivement, notre réflexion et notre travail ne s’arrêtent pas à la sortie de cette étude, bien au contraire. Après l’avoir présentée en avant-première aux parlementaires et à l’Institut Diderot, notre objectif est désormais d’élargir sa visibilité, de susciter le débat et de favoriser une prise de conscience collective. Dans les prochains mois, nous continuerons à rencontrer un certain nombre de responsables du monde politique et économique.

Nous interviendrons notamment à l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) et au Forum international de la cybersécurité (FIC). Nous allons également prendre la parole de manière apolitique pendant la campagne pour décrypter le positionnement des candidats en matière de souveraineté numérique.

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