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Entretien avec Arnaud de Saint Rémy

Le CNB est favorable à ce que soient institutionalisées des permanences d'avocat à l'école

Trois questions à Arnaud de Saint Rémy

Le 4 octobre 2023, le Conseil national des barreaux, en partenariat avec le ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, pilotait la 6° édition nationale de la Journée du droit dans les collèges sur le thème « Harcèlement et discrimination ». Maître Arnaud de Saint Rémy, président du groupe de travail « Droit des enfants » du CNB, saisit l'occasion de ces rencontres dédiées pour sensibiliser élèves et enseignants au rôle de l'avocat dans le champ de la protection de l'enfance.

Rédaction : Quel regard la profession porte-t-elle sur les nouvelles mesures de protection de l'enfant à l'école issues du décret du 16 août 2023 ?

Auteur : Le décret n° 2023-782 du 16 aout 2023 relatif au respect des principes de la République et a la protection des élèves dans les établissements scolaires relevant du ministre chargé de |’Education nationale ambitionne de donner les moyens aux directeurs d'école et aux chefs d'établissement d'apporter une «réponse appropriée »au problème du harcèlement scolaire. Si l'objectif est louable, la question des modalités pour y parvenir parait toutefois discutable. Son article 1“, alinéa 1, qui traite d'une procédure de radiation de |'élève qui, par son comportement intentionnel et répété, fait peser un risque caractérisé sur la sécurité ou la santé d'un autre élève de |'école, n'est pas encadré de garanties procédurales offrant un débat contradictoire préalable avec |'élève, ses parents ou leur conseil, avant toute mesure conservatoire tendant a suspendre son accès a l'établissement, quand bien même la durée maximale de suspension prévue est limitée a 5 jours. Pire, l'alinéa suivant prévoit, si le comportement de |'élève persiste, de demander au
maire de procéder a la radiation de I'éléve et a son inscription d'office dans une autre école de la commune, voire dans une autre école du territoire sous réserve que le maire de l'autre commune accepte d'y procéder. La aussi, cette radiation d'office n'est encadrée par aucune garantie préalable. II suffirait que l'élève soit désigné a la vindicte pour que d'office il soit radié sans pouvoir se défendre. Il y a la une atteinte a la présomption
d'innocence très choquante. En outre, l'article 2 du décret expose a une incertitude juridique.

La notion d'« atteinte grave au principe de la République, notamment au principe de laïcité » n'est pas explicitée. Alors que le dispositif visait a éviter des actes de harcèlement ou de
cyberharcèlement, il est inséré, dans le Code de L'éducation, une disposition permettant une exclusion pour des motifs pouvant être très larges, voire indéterminés, ce qui peut porter atteinte a la prévisibilité de la loi.

Cette procédure, censée arriver après un dialogue et un accompagnement de |'élève et des familles, n'a aucun caractère disciplinaire et ne relève pas de I'« exclusion »au sens juridique du terme. Elle peut même se heurter au droit fondamental de l'enfant a l'éducation, d'autant qu'aucun dispositif alternatif d'enseignement n'est proposé. La profession est donc très réservée.

Rédaction : Comment l'avocat peut-il s'investir dans la lutte contre le harcèlement scolaire ?

Auteur: D'abord, rappelons que, conformément au souhait du Conseil national des barreaux, la Chancellerie a créé, fin 2021,12 une mention de spécialisation « Droit des enfants »en usage au sein de la profession d'avocat (V. Dr. famille 2022, entretien 8,
A. de Saint Rémy). Nombre de mes confrères font partie de groupes de défense ou de commissions Mineurs au sein des barreaux. En France, nous en avons recensé prés d'une centaine et il existe 175 conventions signées localement entre les bâtonniers et les chefs de juridiction, spécialement dédiées a la prise en charge de la défense du droit des enfants. Cela témoigne de l'implication des ordres dans l'assistance aux mineurs
concernés, mais également de l'existence d'un réseau extrêmement vaste d'avocats susceptibles d'intervenir a tout moment, notamment pour lutter contre le harcèlement scolaire. Mes confrères assurent des permanences dans les maisons de justice
et du droit, dans les mairies ou dans chaque maison des avocats. Ils reçoivent quotidiennement, de façon naturellement gratuite et anonyme, toute personne, majeure ou mineure, susceptible d'être concernée par le phénomène. Nous assurons par ailleurs
des actions de formation au sein du milieu scolaire. Récemment, la Journée du droit dans les collèges sur le thème « Harcèlement et discrimination » a été un vrai succès.
Au long cours, avec le soutien du milieu associatif oeuvrant en partenariat avec |'Education nationale, nous intervenons en classe pour sensibiliser les enfants et les adolescents a la défense de leurs droits et aux atteintes dont ils pourraient être victimes.

Le CNB est aussi favorable à ce que soient institutionalisées des permanences d'avocat à l'école, comme il existe des médecins ou des infirmières scolaires. C'est une réforme que nous portons et qui pourrait voir prochainement le jour.

Rédaction : Quelles sont les actions de la profession pour sensibiliser au respect des droits de l'enfant ?

Auteur : Nos actions pour sensibiliser les acteurs du monde éducatif et les élèves eux-mêmes au respect des droits de |'enfant sont multiples. Nous organisons des colloques, des webinaires. Nous intervenons au sein des lieux d'enseignement, sur L'invitation des chefs d'établissement ou dans le cadre de partenariats conclus avec les rectorats au niveau local. Nous participons également a des concours d'éloquence, a l'organisation de
procès fictifs, a des événements annuels comme le Festival du film judiciaire donnant lieu a des débats très riches avec les élèves sur des questions de société ou en lien avec la défense de leurs droits. La défense du droit des enfants doit être une priorité.
Nous devons tous nous sentir concernés par L'initiation a la Justice : enseignants, parents d'élèves, forces de l'ordre, personnel médical, magistrats, avocats. L'avenir de nos générations futures en dépend.

Propos recueillis par Alice PHILIPPOT,
Rédactrice en chef de la revue Droit de la famille

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