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3 QUESTIONS - Moins de numérique pour plus de Vivant : un enjeu de société


Veille par Sophie Lavault docteure en neurosciences & psychologue clinicienne, auteure de l'essai « Revenir à soi - Comment le numérique nous déconnecte de nous-mêmes » (Ed. Albin Michel), membre de l'Agora41

et Jean Martinot ingénieur en informatique, vice-président du Cercle de la Donnée


L'actualité révèle les voix qui s'élèvent sur la toxicité des écrans (la face visible du numérique), quand d'autres voix alertent sur l'empreinte carbone du traitement des données. 

Mais le tableau est rarement complet et, surtout, le décor planté par les géants du numérique est fort attrayant car ils disposent de tout l'arsenal des mécanismes addictifs. 

Dans la cacophonie des informations qui circulent, il est difficile de prendre conscience de l'entièreté de l'empreinte du numérique pour isoler les défis à relever et les amorces du changement à encourager ! 

L'étude « Empreinte de la Donnée : essai pour un numérique responsable » rédigée par une dizaine d'auteurs, membres des think tanks le Cercle de la Donnée et l'Agora41, est le fruit de plusieurs années de travail et tente une approche globale du sujet. 

1 - Pour un projet numérique, les ressources financières et humaines sont prises en compte mais qu'en-est-il des ressources en lien avec l'écologie ?  

L'apport bénéfique du numérique pour la société est évident et il n'est pas question ici de promouvoir un retour en arrière sur tous les usages vertueux. Mais le revers de la médaille, pour les ressources abiotiques comme pour le vivant, est tel que l'innovation numérique n'est pas si souvent source de bénéfice. 

Consommation d'électricité, d'eau, de terres et métaux rares, d'espaces fonciers pour les centres de données et pour le réseau, production de CO² et d'alliages difficilement recyclables... Que ce soit pour la création ou l'usage du numérique, la matérialité et donc l'empreinte est colossale et en accroissement constant. Si les projets numériques tiennent de plus en plus compte des émissions de gaz à effet de serre et si l'éco-conception promeut entre autres des algorithmes optimisés donc moins énergivores, l'impact de ces mêmes projets sur la biodiversité n'est, à date, pas pris en compte. Or la crise du climat et la crise de la biodiversité sont indissociables (voir les rapports du GIEC et de l'IPBES). Il nous semble donc impératif d'inclure une analyse d'impact plus complète avant le lancement de grands projets numériques dans le privé comme dans le public. 

2 - Numériser tous les espaces de notre vie quotidienne est-il source de bien-être et de liberté ?  

Même si elle constitue une formidable opportunité de libérer l'humain, de lui apporter plus de confort et d'immédiateté, la collecte de données massives n'est pas sans effet sur la santé humaine. D'abord, les algorithmes sont conçus pour capter toujours plus notre attention, nous détournant de nos objectifs propres et des temps de repos dont le système nerveux a besoin. Autant de lumières et de distracteurs que notre cerveau doit traiter en permanence, provoquant fatigue, stress chronique, difficultés attentionnelles, troubles du sommeil, immobilisation, troubles musculo-squelettiques : des effets secondaires majeurs qui entravent la liberté espérée. 

De plus, l'envahissement du numérique se fait au détriment d'un lien de qualité avec les autres et avec notre environnement naturel. Hypnotisés par les écrans, nous sommes déconnectés de notre propre sensorialité. Les premières victimes sont les enfants, qui sont dépendants du regard de l'adulte pour développer leurs compétences affectives, terreau de leurs compétences psycho-sociales. Toucher, ressentir, interagir avec les objets variés du monde environnant permet le bon développement de leurs compétences sensori-motrices, indispensables aux apprentissages de la motricité fine comme l'écriture. Plus tard, alors que le cerveau n'arrive à maturité qu'à l'âge de 25-30 ans, les réseaux sociaux renvoient des difficultés à l'estime de soi, augmentent les dégâts du harcèlement et peuvent entretenir des troubles anxio-dépressifs pour les personnes vulnérables. 

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3 - Moins de numérique en 2024 est-ce un combat perdu d'avance ?  

Une fois l'envers du décor révélé, la lutte contre le « tout-numérique » devient salvatrice pour le Vivant ! 

Avoir le courage de déjouer la peur, ré-orienter notre attention sur l'essentiel, choisir de ne pas devenir nous-mêmes des objets connectés est une décision avant tout individuelle. Revenir à soi, à sa sensorialité, à ce qui est réellement important et en luttant contre le besoin d'immédiateté, nous réussirons à résister à quelques injonctions sociétales et à retrouver un lien authentique les uns avec les autres. 

Le numérique a été pensé et créé par l'être humain. C'est donc bien nous qui avons pleinement la main pour trouver un équilibre plus respectueux du Vivant. Une action est nécessaire à tous les niveaux : éducation, secteurs public et privé, prise de position politique. C'est bien l'objet de notre étude : prendre conscience et mettre en œuvre notre esprit critique pour que le numérique reprenne sa juste place dans l'écosystème du Vivant. 


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