04 Apr 2024

"La stratégie d'investissement de Détail" : à quoi faut-il s'attendre ?

La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 14, 04 avril 2024, 302

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1 - Qu'est-ce que la « RIS » ?

Le 24 mai 2023, la Commission européenne a adopté une série de mesures portant sur les investissements de détail dont l'objet est de permettre une meilleure participation des citoyens sur les marchés de capitaux (Comm. UE, communiqué, 24 mai 2023, Retail investment strategy - RIS). Le but principal de ces textes est de permettre aux investisseurs de détail de prendre des décisions d'investissement de façon plus éclairée et moins risquée.

Cette proposition de directive « omnibus » adoptée par la Commission va venir modifier en profondeur plusieurs textes régissant la gouvernance et la création des produits d'investissement ainsi que les obligations des opérateurs des marchés de capitaux.

L'objectif de ces nouvelles propositions est de permettre à long terme un investissement plus sécurisé des ménages européens, en modernisant les dispositifs qui régissent la commercialisation des produits d'épargne tant dans le domaine financier que dans celui de l'assurance.

2 - Concrètement, sur quoi portent les propositions de la Commission ?

La Commission a souligné la complexité des marchés de capitaux et a mis en lumière les éventuels obstacles empêchant les investisseurs de placer leur épargne de manière sécurisée. Pour éviter cela, la réglementation européenne a proposé l'adoption d'un modèle unique pour les produits d'investissement qui modifiera en profondeur les obligations des distributeurs et des concepteurs des produits d'investissement financier et les produits d'assurance, notamment les prestataires de services d'investissement, les conseillers en investissements financiers, les entreprises d'assurance, les intermédiaires d'assurance, ainsi que les sociétés de gestion.

Les propositions concernées portent notamment sur :

(i) l'amélioration de la pertinence et la clarté des informations données aux investisseurs ;

(ii) l'encadrement des « incitations » afin de permettre un conseil en investissement indépendant de la rémunération que le conseiller perçoit du producteur ; et

(iii) un retour sur investissement plus encadré.

À titre d'illustration, la Commission présente un certain nombre de mesures, dont notamment :

(1) celle visant à interdire le paiement des « incitations » dans les transactions d'exécution pure notamment lorsqu'aucun conseil financier n'a été donné aux investisseurs ;

(2) le renforcement du principe consistant à agir au mieux des intérêts du client - principe déjà prévu aussi bien dans la directive MIF 2 (PE et Cons. UE, dir. 2014/65/UE, 15 mai 2014, concernant les marchés d'instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE : JOUE n° L 173, 12 juin 2014, p. 349) que dans la DDA (PE et Cons. UE, dir. (UE) 2016/97, 20 janv. 2016 sur la distribution d'assurances : JOUE n° L 26, 2 févr. 2016, p. 19) ; et

(3) l'amélioration des informations à fournir aux clients en ce qui concerne le paiement des incitations aux professionnels, avec en particulier l'explication de ces dernières en des termes simples et compréhensibles.

Le projet de la Commission propose également la modification des règles de surveillance et de gouvernance des produits afin de prévenir les coûts inutiles et de garantir que les produits offrent un retour sur investissement aux investisseurs de détail.

3 - Quelles sont les conséquences de la mise en œuvre de ces propositions ?

Les nouvelles propositions vont nécessairement modifier la conception et la distribution des produits financiers - le but visé étant de proposer aux investisseurs un produit à coût contrôlé en respectant toujours au mieux les intérêts des investisseurs.

La mise en œuvre des nouvelles dispositions entraînera des coûts de conformité ponctuels et récurrents tant pour les concepteurs de produits que pour les distributeurs. Ce sera le cas par exemple, pour l'élaboration de la politique de communication, la modification du document d'informations clés, la formation continue des conseillers, le test d'adéquation et l'examen de la rentabilité et du retour sur investissement.

Par ailleurs, les propositions visées modifient les modalités d'exercice des services d'investissement. Elles vont renforcer l'obligation d'agir pour l'intérêt des clients notamment en quantifiant les coûts de distribution.

À l'échelle française, et notamment dans le secteur de l'assurance, les propositions sont perçues comme des mesures complexifiant les règles applicables et certains redoutent déjà qu'elles mettent en péril le modèle de rémunération des courtiers français.

Mais, il convient pourtant de noter les avantages de ces nouvelles mesures comme par exemple le fait d'encadrer les conseils prodigués par les conseillers indépendants ou le fait de proposer une classification plus appropriée des clients. Ces mesures auront peut-être pour effet de réduire les coûts notamment en assouplissant les règles régissant la qualité d'investisseur professionnel ou en améliorant la formation des investisseurs. Il convient maintenant d'attendre l'adoption de ces propositions par le Parlement européen...