02 Feb 2024

Donation Partage - Transmission de Patrimoine

Véritable instrument de pacification des successions, la donation-partage permet au donateur de partager son patrimoine entre ses héritiers de son vivant et avec l’adhésion de ceux-ci. La donation- partage permet d’éviter les problèmes de l’indivision en attribuant à chaque héritier le ou les biens qu’il souhaite recevoir.


[View:https://youtu.be/fj4tPok6P40:545:327]

Cette transmission anticipée du patrimoine autorise l’ajout d’un certain nombre de clauses selon les besoins et les souhaits du donateur : usufruit, réversion d’usufruit, retour dans le patrimoine au cas de décès du donataire…

Objet, conditions, effets, fiscalité, schémas d’optimisation, découvrez la donation-partage dans toutes ses dimensions.

Définition de la donation-partage

La donation-partage est l'acte par lequel une personne distribue et partage tout ou partie de ses biens et droits entre différents gratifiés

1. Objet de la donation-partage :

  • La donation-partage ne peut porter que sur des biens présents dont le donateur est propriétaire au jour de la donation (interdiction du pacte sur succession future) : je ne peux donner que mes biens existants au jour de la transmission.

2. Conditions de la donation-partage :

  • Donner à tous les enfants (tous les enfants doivent avoir été allotis)

Le donateur peut faire une donation-partage inégalitaire (lots inégaux). Il peut s’agir d’une inégalité temporaire ou définitive. En cas de donation-partage la valeur est figée au jour de la donation ce qui n’est pas le cas pour la donation simple. En cas de donation simple, des enfants qui ont reçu la même somme mais dont l’un a investi cette somme alors que l’autre l’a perdue au casino, devront à la succession de leur donateur, se partager la moitié de la valeur actuelle de l’investissement fait par un seul (la moitié de son enrichissement).

  • il ne faut pas qu’ait été prévu un usufruit sur une somme d’argent ou sur une créance.
  • le partage doit être effectif (sur le sujet C. cass. 12 juill. 2023, n° 21-20.361 : JurisData n° 2023-011695)

Si ces conditions sont remplies le partage est définitif et il fixe la valeur des biens au jour de la donation

Attention : toutes les donations sont rapportables à la succession pour calculer la part de réserve et de quotité disponible.

3. Effets de la donation-partage

  • La donation-partage a pour effet un transfert de propriété immédiat et irrévocable même en cas d’inégalité des lots.
  • La donation-partage entraine l’exclusion de l’action en comblement pour lésion de plus du quart possible en cas de donation simple sauf limite de la réserve héréditaire dont disposent les enfants en droit Français.
  • Dans le cas où survient un enfant après une donation-partage, les valeurs ne sont pas fixées car tous les enfants n’ont pas concouru à la distribution. Pour pallier ce problème, une solution sera de réincorporer la première donation-partage dans une nouvelle donation-partage et d’allotir tous les enfants.

Attention : Si l’enfant dont je ne connaissais pas l’existence se manifeste après le décès, il n y a pas de solution pour valider la donation-partage.

La donation-partage fixe les valeurs au jour de la Donation-Partage pour le calcul de la réserve héréditaire, de la quotité disponible et de l’imputation des libéralités.

Conseil pratique : La fixation des valeurs au jour de la donation-partage peut entraîner une inégalité si la valeur des biens donnés évolue de façon extrêmement différente. Il faut donc accepter l’aléa ou vérifier au cours du temps qu’une inégalité n’est pas apparue et si c’est cas, refaire une donation-partage pour rééquilibrer les lots entre les enfants.

4. Donation-Partage et fiscalité (impôt et donation-partage)

Un des nombreux avantages de la donation-partage est de bénéficier d’une fiscalité avantageuse.

Le calcul de la fiscalité de la donation-partage est, comme pour la donation simple ou la succession, celui des droits de mutation à titre gratuit mais l’avantage particulier de la donation-partage c’est qu’elle n’est pas soumise au droit de partage qui représente 2,5 % de la succession.

Les donations-partages bénéficient d’un abattement de 100 000 euros par enfant et par parent. Pour une famille qui comprend deux enfants, le montant de l’abattement peut atteindre 400 000 euros.

La taxation se fait par tranche progressive de 5, 10, 15 puis 20% jusqu’à 552 324 euros, puis 30 et 40% jusqu’à 45 % maximum.

L’intérêt de donner par anticipation le plus tôt possible, c’est de profiter de l’abattement de 100 000 euros plusieurs fois car il se renouvelle tous les 15 ans. Idem en ce qui concerne les tranches de taxation basses.

A noter, en cas de donation partage avec réserve d’usufruit : seule la nue-propriété est taxée car elle seule est transmise. Plus on donne jeune plus la valeur de l’usufruit est importante donc moins celle de la nue-propriété l’est et moins elle est taxée. Exemple : si j’ai 50 ans, l’usufruit représente 60 % de la valeur du bien et donc on ne paie de droits que sur 40 % de la valeur du bien. Si J’ai 51 ans révolu la valeur de l’usufruit passe à 50 %. Dans le cas d’une réserve d’usufruit, plus on donne jeune moins les droits de mutation sont élevés..

5. Schémas d’optimisation de la donation-partage

Préconisations en cas de lots de valeurs différentes :

Cas du bien immobilier donné en indivision :

En l’occurrence, la Donation-Partage est fragilisée voire anéantie car la Cour de cassation dans 2 arrêts de 2013 explique que pour qu’une donation-partage soit valide, il faut qu’il y ait donation et partage. Ce n’est pas le cas pour l’indivision, n’y a pas de partage et donc je perds l’effet de fixation des valeurs s’il n’y a pas partage. Si le bien est conservé, pas de problème car chacun verra sa part augmentée de façon équivalente à celles des autres. Le problème survient si le bien a été vendu et que chacun a réinvesti sa part car il va falloir rechercher ce que le prix de la vente est devenu pour chacun des enfants afin de le ramener à la succession.

JURISPRUDENCE : L’arrêt de la Cour de cassation du 12 juillet 2023, (C. cass. 12 juill. 2023, n° 21-20.361 : JurisData n° 2023-011695) apporte des précisions sur la validité d'une donation-partage, qui attribue des droits indivis et est suivie de leur partage par acte séparé.

  • Solution 1 : reprendre le prix de cession du bien et le partager. L’effet partage et obtenu.
  • Solution 2 : réincorporer dans une deuxième donation-partage et réattribuer les lots
  • Solution 3 : avant de donner le bien immobilier, je l’apporte à une SCI et je donne les parts de la société à mes enfants. L’effet partage a bien lieu avec la fixité des valeurs.

En cas de donation d’une entreprise :

La soulte pour remédier à une inégalité

L’intérêt de la Donation-Partage est accru car l’entreprise a vocation à se valoriser par le travail de celui qui la reprend. On peut avoir une donation-partage ou un seul des enfants reçoit toutes les parts de l’entreprise parentale. Il est prévu alors le versement d’une soulte pour indemniser le frère ou la soeur de la moitié de la valeur l’entreprise afin que la donation-partage soit égalitaire.

A noter : Le pacte Dutreil permet d’exonérer 75% de la valeur taxable. Cette exonération fiscale exceptionnelle bénéficie à tout le monde y compris celui qui a reçu des liquidités car il les reçoit au titre d’un partage et pas de la donation.
  • La Donation-Partage cumulative : les Donations-Partages cumulatives font intervenir deux patrimoines dans le cas où l’un des parents est décédé. On réunit alors dans une masse commune les biens du premier époux décédé dont la succession n’a pas été partagée et ceux de l’époux survivant et on va allotir les enfants peu importe que les biens proviennent de la succession de l’un ou de l’autre des parents.
  • La Donation-Partage conjonctive : schéma dans lequel les deux parents sont toujours en vie et donnent ensemble des biens aux enfants. Les enfants peuvent allotis indifféremment des biens du mari ou de la femme mais la donation est considérée comme faite par les deux conjoints car la donation-partage étant ramenée de façon fictive au moment de la succession pour le calcul de la réserve et de la quotité disponible. Les biens que j’ai donnés seront ramenés à ma succession et ceux que mon mari a donné à la sienne. Or s’il n’y a pas eu de Donation-Partage cumulative, on pourrait dire au moment du décès du premier parent, qu’un seul enfant a été alloti, celui qui a reçu ses biens et pas celui qui a reçu les biens du parent survivant. La Donation-Partage conjonctive permet de considérer les lots comme provenant à égalité du patrimoine des deux parents et une compensation se fera au moment de la liquidation du régime matrimonial par le jeu des récompenses entre époux.

Attention : si l’on change de régime matrimonial pour protéger son conjoint après une donation-partage. En effet, si l’on est marié en communauté universelle avec une clause d’attribution intégrale (au moment du décès tout le patrimoine appartient au conjoint survivant) et qu’il est prévu une imputation des donations au premier décès, le conjoint survivant risque de ne plus avoir de biens, il faut donc prévoir une imputation au second décès pour la totalité de la donation.

6. La donation-partage transgénérationnelle

Depuis la loi de 2006, le donateur peut décider de donner directement à ses petits-enfants en gratifiant ou non ses propres enfants. Cet outil est une adaptation à notre société d'aujourd'*** où l'on vit de plus en plus longtemps et où les enfants héritent de plus en plus tard du patrimoine de leurs parents, si bien que souvent, ils ont déjà leur résidence principale et éventuellement une résidence secondaire. Ils n'ont pas besoin de ce que vont leur transmettre leurs parents et souhaitent que cela revienne directement à leurs enfants. C'est dans ce schéma que la donation-partage transgénérationnelle est un super outil. Dans le cas où les grands-parents donnent à leurs enfants qui eux-mêmes transmettent à leurs propres enfants, on appliquera deux fois des droits de mutation à titre gratuit. La donation-partage transgénérationnelle permet de faire un saut de génération et ce sont les grands-parents qui vont donner aux petits enfants en lieu et place de leurs parents. Les parents acceptent de ne rien recevoir ou seulement une partie au profit de leurs enfants. Juridiquement, la donation-partage sera considérée comme telle au moment du décès des grands-parents. Une fois encore tous les petits-enfants doivent avoir été allotis pour que la donation-partage joue bien son effet de partage. Au moment du décès de la génération des parents, si la génération des petits-enfants a été allotie en totalité il y aura également effet partage et fixation des valeurs. Ainsi, on évitera deux taxations car elle sera faite directement des grands-parents aux petits-enfants en tenant compte de l'abattement réservé aux petits enfants (31 865 €) et des tranches de taxation.

Il est possible de réaliser une donation-partage transgénérationnelle même si les grands-parents ont déjà donné des biens à leurs enfants. Il suffira de remettre ces biens dans la masse (les enfants rendent les biens à leurs parents afin que ceux-ci les transmettent directement à leurs petits-enfants) et les réincorporer dans une nouvelle donation-partage transgénérationnelle. Si la donation-partage précédente a plus de 15 ans, les petits-enfants recevront les biens en payant uniquement un droit de partage de 2,5% et seront exonérés des droits.

Point de vigilance pour les notaires dans la rédaction d'une donation-partage transgénérationnelle : ne pas prévoir de droit de retour comme c'est le cas traditionnellement dans la donation-partage (où on prévoit le prédécès des enfants) car le bien ne doit pas retourner dans le patrimoine des grands-parents mais rester au niveau de la branche des petits enfants concernée. Sinon le bien va être redivisé. En l'occurrence on va plutôt se diriger vers une libéralité graduelle résiduelle, c'est à dire transmettre entre frères et soeurs mais fiscalement c'est assimilé comme si ce sont les grands-parents qui avaient donné.